📢📢📢 L’état de la grève peut être trouvé ici: https://crues.org/greve-des-stages/  📢📢📢

 

Des personnes aux études professionnelles, collégiales et universitaires de plusieurs régions appellent à la grève et à des manifestations pour la salarisation de tous les stages, en vue de la Journée internationale des stagiaires le 10 novembre 2023. Ces moyens de pression, qui seront déployés à plusieurs endroits dans la province, visent à souligner l’exaspération du mouvement étudiant face à cette inégalité ayant un caractère classiste, patriarcal et raciste.

Cet appel est le fruit d’un comité de mobilisation tenu le 12 septembre regroupant des personnes étudiantes de la région métropolitaine de Montréal, de la Capitale-Nationale, du Bas-Saint-Laurent, de l’Outaouais, de l’Estrie et du Saguenay–Lac-Saint-Jean. Ce comité prévoit la tenue de plusieurs manifestations dans plusieurs régions le 10 novembre à 15 h. Les lieux de départ des diverses manifestations seront précisés dans les prochaines semaines.

Les stages non rémunérés et la division raciale et genrée du travail

Au soi-disant Québec, 9 des 20 professions ayant le plus de femmes et demandant parfois un diplôme d’études collégial ou universitaire imposent, lors de la formation, des stages non rémunérés. Cette proportion est de 3 parmi les 20 professions ayant le plus d’hommes.

D’ailleurs, les professions fortement occupées par des femmes et associées à des stages non salariés sont essentiellement des emplois du travail reproductif comme enseignante, infirmière et travailleuse sociale. Ce sont également des emplois où les femmes racisées sont surreprésentées, mais aussi des secteurs d’activités où l’on trouve les plus fortes proportions d’universitaires de première génération. En ce sens, la non-salarisation des stages produit une précarité qui vise proportionnellement davantage les femmes, les personnes racisées ainsi que les universitaires de première génération.

D’ailleurs, l’exclusion des stagiaires effectuant du travail reproductif du rapport salarial participe à l’invisibilisation de leur travail sous le capitalisme et le patriarcat. Il y a une mystification de leur activité comme n’étant pas du travail c’est-à-dire que le travail des stagiaires n’est pas présenté comme du travail ayant une valeur, mais comme un service éducationnel qui leur est rendu. 

D’une part, cela n’explique pas pourquoi des stages associés à des professions masculines sont rémunérés alors que les stages associés à des professions féminines ne le sont pas. D’autre part, la majorité des stagiaires fournit une prestation de travail, et ce, parfois même si ces personnes sont en stages dits « d’observation ». Enfin, étudier c’est aussi travailler : se rendre soi-même compétent-e à effectuer certaines tâches constitue aussi un service pour la société, pour l’État et le capital, comme en témoigne l’exaspération du patronat faisant face à des pénuries de main-d’œuvre qualifiée.

Discrimination sur le milieu de stage

Le comité de mobilisation dénonce également la façon dont les conditions de stages sont propices à la reproduction de mécanismes discriminatoires à l’égard notamment des gens racisés, en situation de handicap ou appartenant à une minorité sexuelle. 

Le stage constitue toute une épreuve. Il est commun de la part des personnes enseignantes ou des directions de programmes d’avoir de hauts standards en termes de temps et d’énergie vis-à-vis des stagiaires, et ce, sous prétexte que « les professions qui s’y rattachent ne demandent rien de moins que la crème de la crème »

Or, plusieurs personnes rapportent se faire mégenrer, se faire nommer par leur deadname ou recevoir des commentaires racistes, capacitistes ou sexistes sur leur milieu de stage. Toutefois, plusieurs se voient dans l’obligation de tolérer ces discriminations au nom de la bonne réussite de leurs études.

De même, le stage exige pour les stagiaires de mettre à contribution toutes leurs facultés mentales, physiques et matérielles pendant une longue période, soit entre 45 et 600 heures par session, ce qui peut représenter 40h par semaine. Il demande en plus une performance soutenue qui ne compromet pas le niveau de productivité des personnes salariées. « Il faut que ça roule ! » Après tout, les stagiaires servent bel et bien de main-d’œuvre à faible coût pour l’entreprise privée et de solution de remplacement pour l’État dans un contexte de compressions dans les services publics. Ainsi, avoir parallèlement un travail rémunéré pour payer son loyer, sa nourriture, son transport, etc., et parfois s’occuper des enfants fait exploser le nombre d’heures travaillées par semaine.

Par ailleurs, les stages non rémunérés amènent souvent une baisse du revenu d’emploi étant donnée la diminution du nombre d’heures travaillées à l’extérieur du parcours académique. Conséquemment, plusieurs stagiaires non rémunéré-e-s sont contraint-e-s de reposer financièrement sur leur entourage, de puiser dans leurs économies, de s’endetter ou d’abandonner leur programme. Dès lors, les personnes les plus précaires, qui ont le plus recours à l’endettement, vont payer plus cher leur éducation en raison des taux d’intérêt élevés qui leur sont imposés après leurs études.

Concilier la famille, un emploi salarié, une baisse de revenu et les exigences du stage peut s’avérer un véritable défi, qui peut d’ailleurs virer au cauchemar lorsque les stagiaires vivent en plus des actes transphobes, racistes ou sexistes.

Grève étudiante

Les personnes réunies en comité appellent les associations étudiantes à adopter des mandats de grève pour le 10 novembre 2023. Cette grève s’inscrit à l’intérieur d’une escalade des moyens de pression pour la salarisation des stages instaurée dès 2015 par les personnes étudiantes en internats en psychologie, puis par les CUTE à partir de 2016 et, plus récemment, par la grève de cinq semaines de l’Association des étudiantes et des étudiants de la Faculté des sciences de l’éducation de l’UQAM (ADEESE) à l’automne 2022 et la grève d’une semaine de l’Association générale étudiante du campus de Rimouski de l’UQAR (AGECAR) et de l’Association générale des étudiantes et des étudiants du Cégep de Rimouski (AGECR) à l’hiver 2023.

À défaut de la salarisation de stage, diverses associations étudiantes entendent poursuivre l’intensification des moyens de pression dans l’année à venir et n’excluent pas la possibilité d’une grève générale illimitée.

 

Signataires de l’appel aux manifestations et à la grève

Coalition de résistance pour l’unité étudiante syndicale (CRUES)

Association des étudiantes et des étudiants de la Faculté des sciences de l’éducation de l’UQAM (ADEESE-UQAM)

Association Étudiante du Module de Science Politique de l’UQAM (AEMSP-UQAM)

Association générale des étudiants en sciences de l’Université de Sherbrook (AGES)

Association facultaire étudiante de science politique et droit de l’UQAM (AFESPED)

Association générale étudiante du campus de Rimouski de l’UQAR (AGECAR)

Association Générale Étudiante du Cégep du Vieux Montréal (AGECVM)

Association générale des étudiants du Cégep de Rimouski (AGECR)

Association générale étudiante du premier cycle en psychologie de l’UQAM (AGEPSY-1) 

Société Générale des Étudiants et Étudiantes du Collège de Maisonneuve (SOGÉÉCOM)

Association des Étudiant(e)s de l’École des Affaires Publiques et Communautaires de l’Université Concordia (AÉÉAPC/SCPASA)

Association facultaire étudiante des sciences humaines de l’UQAM (AFESH-UQAM)

Association des étudiant-es en sciences sociales de l’Université Laval (AÉSS-UL)

Geography Undergrad Student Society of Concordia (GUSS)

Association étudiante du Cégep de Sherbrooke (AÉCS)

Association facultaire étudiante des arts de l’UQAM (AFÉA-UQAM)

Syndicat des Étudiant·e·s Employé·e·s de l’UQAM (SETUE)

Association des étudiant-es en sciences sociales de l’Université Laval (AÉSS-UL)

 


  1. Les données quant au nombre de personne par professions, quant à la proportion d’homme/femme et quant aux diplômes associés ont été extraites de « Explorer des métiers et des professions », 28 juin 2023, en ligne, <https://www.quebec.ca/emploi/informer-metier-profession/explorer-metiers-professions>. Puis, les caractéristiques des stages ont été vérifiées sur les divers sites web des établissements collégiaux ou universitaires. Suivre le lien suivant pour voir les données collectées : <https://bit.ly/3OO5ddT>.
  2. Voir Milan et Gagnon, « Professions des femmes sud-asiatiques, chinoises et noires », 23.
  3. Voir Sylvie Bonin. « Les étudiants de première génération universitaire : Toujours d’actualité ! », Enquête ICOPE (Université du Québec, janvier 2019), 7. https://www.uquebec.ca/dri/publications/rapports_de_recherche/etudiants_premiere_gen_univ_2016.pdf.
  4. Sandrine Belley, Alice Brassard, et Ariane Lanctôt. « La crème de la crème a tourné : Capacitisme, handicap et santé mentale », dans Grève des stages, grève des femmes : Anthologie d’une lutte féministe pour un salaire étudiant (2016-2019), dir. Annabelle Berthiaume et al. (Montréal : Les Éditions du Remue-ménage, 2021).
  5.  DERU et DGAUISE, « Stages étudiants : Programmes d’études professionnelles, techniques et universitaires : Portrait, enjeux et pistes de solutions ».