Le journal l’Ultimatum avait pour objectif la promotion de l’ASSÉ (Association pour une Solidarité Syndicale et Étudiante), de ses revendications ainsi que de ses plans d’action votées en Congrès par les délégué·es des associations membres. L’Ultimatum était publié annuellement avec quelques exemplaires « express » ponctuels concernant l’actualité. On remarque que Le Débordement, le journal de la CRUES (Coalition de résistance pour l’unité étudiante syndicale), est quasiment identique dans ses objectifs mais pourquoi?

Pour bien le comprendre, il faut savoir que la CRUES est en quelque sorte l’héritière de l’ASSÉ. En effet, la charte de la CRUES a repris beaucoup d’éléments du fonctionnement de l’ASSÉ tout en modifiant plusieurs des failles de cette dernière. Cependant, comme l’on peut s’en douter, la charte imparfaite de l’ASSÉ n’est pas l’unique coupable de la dissolution de l’association en 2019. Plusieurs éléments ont été pointés du doigt pour identifier ce qui a mené à cette dissolution, notamment des dynamiques d’oppression dans l’organisation qui se disait combattre ces mêmes oppressions, un manque de transparence, la gestion des finances et biens d’autres problématiques qui ont mené au désinvestissement des militant·es dans l’ASSÉ. Revoyons ensemble brièvement ces erreurs et en quoi la CRUES peut en tirer des leçons pour ne pas les répéter.

Tout d’abord, en lisant la Lettre de démission du Comité aux luttes sociales de 2013 de l’ASSÉ, plusieurs problématiques ont été soulevées, notamment l’existence de rapports de clans/cliques dans l’organisation et les différents comités, des mandats anti-oppressifs « trophées » qui étaient plus instrumentalisés qu’appliqués ainsi qu’une forme d’exclusion envers le comité aux luttes sociales puisque ce dernier ne se focalisait pas entièrement sur les campagnes de mobilisation mais plutôt sur les enjeux d’oppression dans l’ASSÉ. Il y avait aussi un « certain mépris envers les étudiant·e·s racisé·e·s, allophones ou anglophones; comme si leur capacité à bien comprendre les enjeux et les débats était mis en doute ». Ajoutons à cela un rapport patronal ou hiérarchique entre les comités et le conseil exécutif qui menait à des violences symboliques et à l’épuisement des militant·es. Cette hiérarchie qui plaçait le comité exécutif de l’ASSÉ au sommet a été plusieurs fois mentionnée dans la lettre et met aussi en lumière le manque de transparence de l’ASSÉ. Nous n’avons qu’à penser aux conflits internes de l’organisation en 2015 qui ont contribué à sa dissolution. On peut prendre comme exemple l’incident où le conseil exécutif de l’époque avait décidé sans aucune consultation des associations membres d’écrire un texte encourageant un retrait « stratégique » des grèves générales illimitées des associations étudiantes montréalaises. Le Comité Printemps 2015 avait accusé « l’exécutif [de l’ASSÉ] de chercher à museler la base militante qui tend à se dérober de sa mainmise », ce qui a finalement mené à la démission en bloc dudit comité exécutif et à leur destitution symbolique. 

Heureusement, la CRUES a mis en place plusieurs mécanismes pour prévenir certaines des problématiques mentionnées, telles que le recours à des traducteur·rices pour les congrès et une refonte de certains postes dans l’exécutif pour éviter la hiérarchisation des pouvoirs. Cependant, plusieurs interrogations restent en suspens. Par exemple, comment assurer la transparence et la bonne gestion des finances? En effet, dans les dernières années de l’ASSÉ, l’organisation avait beaucoup de problèmes financiers tels que des associations membres qui n’avaient pas payé pendant plusieurs années leurs cotisations, ce qui avait amené à d’importants déficits. 

Toutes ces réflexions ainsi que ces critiques envers l’ASSÉ ont permis en théorie de combler plusieurs de ces failles et angles morts pour rendre la CRUES plus saine et fonctionnelle. Toutefois, nous sommes en droit de nous demander pourquoi avoir créé la CRUES plutôt que de reconstruire l’ASSÉ? 

Tout d’abord, plusieurs associations se méfiaient de l’ASSÉ et plus largement des regroupements associatifs en raison des ingérences que plusieurs associations étudiantes ont subies de la part des fédérations et de l’ASSÉ en 2012 durant le printemps érable. Ce climat de méfiance est d’ailleurs encore très présent chez plusieurs associations étudiantes. En créant un nouveau regroupement associatif, la CRUES espère pouvoir remettre les compteurs à zéro et s’installer sur une structure bonifiée par les anciennes expériences et erreurs du milieu. 

Mais qu’en est-il du journal de la CRUES, Le Débordement? Bien que le comité journal de l’ASSÉ était inactif les dernières années de l’association, ce qui rend difficile la comparaison, Le Débordement cherche à être plus accessible notamment en impliquant des œuvres militantes autres que seulement des textes essayistiques, en étant plus vulgarisateur et en traduisant les éditions et les communications pour les membres anglophones.

Dépendamment de l’implication des membres de la CRUES dans le comité journal, Le Débordement pourrait également diversifier ses plateformes avec des podcasts, des textes en version audio, des éditions spéciales voire même des enquêtes ou reportages. 

Dans tous les cas, le Comité journal actuel déborde d’idées. 😉

 

Écrit par Rémi Grenier