Par Belem et Hanine
Le contexte de l’austérité du gouvernement confirme une fois de plus la vision portée par notre société actuelle : une vision confondant la structure des institutions, telles les écoles et les hôpitaux, avec celles des entreprises, le rôle des étudiant.es et des malades avec celui des client∙e∙s. Ces normes capitalistes forment des étudiant∙e∙s en robots exécutant leurs années d’études le plus rapidement possible pour pouvoir entrer sur le marché du travail. Dans cette même logique, les établissements d’enseignement supérieur fonctionnent sur la base de la compétitivité, du prestige et de la publicité. Et oui, les établissements investissent en publicité pour qu’un nombre croissant de personnes aient la volonté de s’inscrire, pour acquérir un certain prestige et pour accumuler davantage de capital par le biais de donateur∙trice∙s influent.es.
Le financement des universités est constitué des subventions du gouvernement, des frais de scolarité et de donations qui seront investies pour assurer la pérennité des universités. Les fonds de dotations des universités correspondent à de grands montants : 1,8 milliard pour McGill, 14 milliards pour l’université Columbia. Lorsque des millions sont investis contre les valeurs de la majorité des étudiant·e·s, celleux-ci peuvent se sentir aliéné face à la gestion de cet argent. C’est le cas lorsque l’on évoque les demandes urgentes de désinvestissement des universités dans le génocide en Palestine.
McGill investit plus de 73 millions dans des entreprises génocidaires
Plus qu’aliénant, ce mode de fonctionnement est anti-démocratique et très loin de plusieurs idéaux autogestionnaires : des administrateur∙trice∙s ou plutôt des businessmen qui ne participent pas aux activités de base de l’institution prennent des décisions en fonction de leurs besoins politiques et économiques. En plus de refuser les demandes des étudiant·e·s, ceux-ci les répriment par le renforcement de la sécurité, par l’attribution de plusieurs sanctions et par l’emploi d’anciens soldats de l’armée israélienne à Concordia.
L’importance de désinvestir
Nous pouvons aujourd’hui nous poser la question : sommes-nous libres dans notre apprentissage lorsqu’on doit se soumettre aux lois de nos institutions coloniales et marchandisées? On vit dans une société où le consentement manufacturé est à la mode. Au même titre que nous ne consentons pas à l’envoi d’armes par le soi-disant canada (voir le rapport de la campagne Arms Embargo Now), les étudiant.es des universités ne consentent pas à la complicité génocidaire de leurs institutions. C’est pourquoi il est important de ne pas normaliser l’absence de pouvoir des étudiant·e·s sur des décisions aussi importantes et de continuer à lutter pour le désinvestissement et la fin de la complicité.
C’est quoi le mouvement BDS
En 2005, des Palestinien.nes se sont réuni.e.s pour former un comité national qui lancera le mouvement BDS (Boycott, Désinvestissement, et Sanction) pour promouvoir la liberté, la justice, et l’égalité. Le BDS tient un principe simple qui est de donner aux Palestinien.nes les mêmes droits humains que n’importe qui. Le Comité National BDS réitère que: « BDS est un mouvement qui défend les droits de l’homme inclusif et antiraciste qui s’oppose par principe à toutes les formes de discrimination, y compris l’antisémitisme et l’islamophobie. »
Une grande partie du mouvement activiste pro-Palestinien de la diaspora s’inscrit dans le mouvement BDS, que ce soit par des manifestations symboliques et pacifiques qui exigent un embargo sur les armes, par un boycott collectif d’un magasin ciblé, ou par une lutte étudiante pour le désinvestissement de leurs institutions scolaires. Ces institutions se sont fait viser par le mouvement BDS à cause de leurs relations avec des compagnies complices dans le génocide et avec des institutions sionistes.
Le mouvement étudiant
Le mouvement propalestinien s’est vu amplifié par une vague internationale de campements universitaires (et populaires) pour le désinvestissement. Ceci est sans surprise, vu que les étudiant·e·s ont toujours été le moteur des mouvements pour la justice sociale. Une autre vague de mobilisation, au soi-disant Québec, a pris de l’ampleur l’automne passé : 102 000 étudiant∙e∙s ont fait la grève en solidarité avec la Palestine et en opposition avec le sommet de l’OTAN (voir site de la CRUES). Cette grève, ayant comme sujet de lutte la solidarité internationale, s’inscrit en continuité avec celles contre la guerre au Vietnam et la guerre en Irak. D’autres actions d’une grande importance ont eu lieu ces deux dernières années : des manifestations étudiantes locales, des walks outs, des sits-ins… Même si le mouvement étudiant a pris de l’ampleur après l’intensification du génocide, les comités propalestiniens se mobilisaient déjà bien avant, notamment pour l’adoption de positionnements politiques anti-sionistes et contre la tenue d’événements sionistes soulignant la collaboration et la normalisation des partenariats «israélo-canadiens».
Réticence des universités
Malgré les multiples tentatives de différents groupes, les SDHPP (Solidarité pour les Droits Humains des Palestiniens et Palestiniennes) Concordia, McGill, UdeM, Sherbrooke et ULaval, il y a un refus de la part des recteurs, des cadres et des chanceliers de répondre aux demandes des étudiant.es. L’opposition des universités à désinvestir viendrait d’un mélange de pression politique (la peur d’être traité de sioniste) et de pression économique (la perte de dons de la part des sionistes).
La lutte continue
Aujourd’hui, il est possible d’affirmer que notre système d’éducation (colonial, marchandisé et contrôlé par des lobbyistes sioniste) est en situation de crise. Il est malade et nous avons de la difficulté à imaginer comment il pourrait être soigné.
Cependant, il est nécessaire de continuer à lutter pour faire valoir nos droits. Le droit de choisir ce dans quoi notre institution investit. Le droit de choisir ce qu’on étudie, avec quel angle on l’étudie et la liberté d’aborder des contenus radicaux et décoloniaux. Avec la sortie du rapport de la ministre Déry, il est important de continuer à lutter pour la liberté académique, pour la fin de la répression des étudiant.es luttant pour la Palestine et pour l’exercice d’une autogestion au sein de nos institutions, notamment en ayant notre mot à dire par rapport aux investissements génocidaires.