Par la Convergence autonome et solidaire pour le salariat étudiant (CASSE)

Nous, la Convergence autonome et solidaire pour le salariat étudiant (CASSE), revendiquons le salariat étudiant afin d’en découdre une bonne fois pour toutes avec l’aliénation et l’endettement aux études, dans une perspective de dépassement des oppressions.

Depuis plusieurs décennies, les élites politiques, économiques, scientifiques et médiatiques rebattent d’un discours catastrophiste les oreilles de la population étudiante et de la « jeunesse ». Au-delà de la figure mythifiée d’une jeunesse indignée et confiante en l’avenir que ce discours entretient, cet alarmisme à tout vent participe surtout à un climat de confusion quant aux causes profondes des crises contemporaines (économique, écologique, politique) dont la gravité exacerbée nous est rappelée un peu plus chaque jour. La question environnementale, comme celle du logement ou de l’impérialisme, ne trouvera point de résolution dans des appels à la raison des gouvernements ou le réformisme institutionnel.

Ce qui manque aux mouvements étudiants des dernières décennies, ce sont des organisations politiques autonomes capables de dépasser le stade d’effervescence initial et d’articuler un narratif contre-hégémonique combatif au-delà de celui des « crises ». L’idée de crise est en soi porteuse d’une conscience réformiste au sein de tout mouvement social parce qu’elle suppose qu’un état de stabilité sans oppressions est atteignable sous les contraintes qui nous sont prescrites par le présent mode de production capitaliste patriarcal et colonial. Or, une perspective révolutionnaire reconnaît que la crise n’est pas l’exception, mais la règle de notre système social fondé sur l’exploitation.

La crise telle qu’on l’entend n’est ni le fruit du hasard ni l’effet d’une nature humaine fondamentalement égoïste, mais la règle de notre système social structuré par l’exploitation des travaileurs·euse·s et des populations opprimées par le régime du capital.

La seule réponse réelle et définitive aux crises ne peut être autre que la lutte des classes consciente et organisée contre les forces du capital et de l’oppression. Et c’est bien dans cette perspective que nous souhaitons lutter au sein du système d’éducation supérieure !

L’éducation au service du capital, du patriarcat et du colonialisme

La fonction première du système d’éducation moderne est simple et évidente : former des personnes travailleuses à s’insérer docilement dans le fonctionnement du marché pour s’y conformer et intérioriser ses logiques.

Loin de l’idéal d’un savoir neutre et libérateur, les établissements d’enseignements supérieurs sont donc profondément mis au service du capitalisme patriarcal et colonial. Conséquemment, le système d’éducation actuel ne peut pas permettre l’émancipation. Les savoirs qu’il reproduit et transmet sont ancrés dans les rapports de dominations qui structurent nos sociétés et ceux-ci sont hiérarchisés en fonction de leur rentabilité pour le capital.

Par un processus de marchandisation, la formation universitaire et collégiale est donc devenue un parcours spécialisé qui pousse les étudiant·e·s vers des secteurs de travail jugés « productifs ». Les diplômes menant à des professions dites utiles en raison de leur apport direct à l’accumulation du capital (ingénierie, gestion, finance) sont valorisés, tandis que les formations, telles que celles dans le travail du care traditionnellement associé à la féminité sont dévalorisées, sous-rémunérées, en plus d’impliquer généralement des stages obligatoires non-rémunérés (travail social, enseignement, etc.).

Reconnaître cette marchandisation et les rapports spécifiques qu’elle produit au sein de l’institution universitaire est essentiel pour changer structurellement les conditions matérielles des étudiant·e·s et pour politiser le travail non rémunéré effectué par les étudiant·e·s.

Une expérience précaire et aliénée des études

En tant qu’étudiant·e·s, nous sommes directement touché·e·s par les contraintes marchandes relayées par les établissements d’enseignement. Pour plusieurs d’entre nous, l’université rime avec une grande précarité financière et de l’aliénation : nous devons survivre à l’endettement et à l’aide financière insuffisante avec comme seule finalité l’enfermement dans le marché du travail.

Pourtant, ce n’est pas dans les salles de cours que l’université et le cégep prend son sens, mais en dehors des cours eux-mêmes, dans des évènements, activités, espaces et projets que nous créons (consciemment ou non) en marge des logiques capitalistes de l’institution. C’est là que renaît un sentiment de communauté étudiante mobilisée. C’est peut-être notre force de résistance en tant que « classe » étudiante, même si, trop souvent, l’université est vécue comme un passage obligé en vue de l’obtention d’un diplôme et d’un « meilleur » emploi.

Ce paradoxe révèle l’échec définitif des institutions d’enseignement supérieur à incarner l’émancipation qu’elle prétend défendre. Exiger un salaire étudiant, en plus de s’inscrire dans la continuité des luttes pour la gratuité scolaire et la rémunération des stages, c’est briser ce mensonge. C’est reconnaître que nos études sont un véritable travail, un travail gratuit invisibilisé, mais central dans la reproduction du capitalisme.

Le salariat étudiant comme revendication stratégique

Le salariat étudiant ne sera pas conquis demain matin. Même une campagne acharnée avec plusieurs grèves générales ne suffirait pas à l’arracher à un État arrimé aux intérêts capitalistes. Mais c’est précisément pour cela que cette revendication est puissante. Elle n’est pas qu’un objectif à atteindre, mais un outil politique.

En effet, le salariat étudiant agit comme une revendication à double aspect : elle répond à des besoins immédiats en même temps de mettre en lumière les contradictions du capitalisme. Ici, le salariat étudiant ne se veut pas une proposition utopique et irréaliste, mais une revendication subversive qui met à nu les limites du capitalisme et pousse à la radicalisation de la lutte. Elle mène nos opposants à devoir répondre à une question explosive : pourquoi ne sommes-nous pas rémunéré·e·s pour un travail nécessaire ?

En mettant la barre haute, le salariat étudiant force un déplacement du terrain politique. Elle rend plus « acceptables » aux yeux des citoyen·ne·s politiquement modéré·e·s des revendications comme la gratuité scolaire ou la salarisation des stages. Elle participe donc à une guerre de position : celle qui vise à construire une vision partagée du monde au service d’un projet de dépassement des oppressions et des exploitations.

En exigeant un salaire, on ne quémande plus de l’aide, on revendique ce qui nous est dû. On montre que l’activité étudiante est une contribution essentielle à l’économie et à l’État. D’ailleurs, les réponses des gouvernements face aux grèves étudiantes l’ont prouvé : ceux-ci ont toujours été forcés de négocier pour éviter notamment une pénurie critique de diplômé·e·s, illustrant ainsi notre rôle essentiel dans la production de main-d’œuvre. Nous ne boycottons donc pas nos cours. Nous faisons grève.

Cette revendication bouscule les catégories établies. Elle ouvre un espace pour valoriser tout le travail invisible, particulièrement celui historiquement féminisé ou racisé (soins, éducation, tâches domestiques). En ce sens, en plus du potentiel de l’autonomie financière, le salariat étudiant est un levier d’égalité structurelle, notamment pour les femmes, les personnes racisées et les parents étudiant·e·s.

Finalement, une lutte généralisée pour le salariat étudiant créerait une expérience d’une activité collective de classe contre l’État et le capital, permettant ainsi aux étudiant·e·s de se penser comme partie intégrante de la classe des travailleurs·ses ayant des intérêts communs et opposés aux capitalistes. Cette expérience d’avoir un pouvoir collectif de classe sur les lieux de travail constitue le point de départ pour créer les conditions matérielles et idéologiques à une conscience de classe radicale en antagonisme avec les dominations.

Un horizon politique émancipateur

Si nous portons la lutte du salariat étudiant, c’est qu’elle constitue un levier stratégique pour construire un mouvement étudiant résolument combatif. Mais l’horizon politique qui nous anime dépasse largement cette seule revendication. Cohérent·e·s avec notre analyse d’inspiration marxiste et féministe, nous comprenons que les enjeux de la précarité étudiante, tout comme les multiples problèmes interreliés de notre monde, ne peuvent être résolus adéquatement sans un renversement complet du capitalisme, du patriarcat, du racisme et du colonialisme. En ce sens, notre lutte se veut engagée en faveur d’un monde commun, libre, égalitaire, affranchi radicalement des contradictions de l’ordre dominant qui génèrent l’aliénation et la souffrance. Loin d’être seulement une belle rêverie, cette vision informe chacune de nos actions dans l’immédiat. Nous visons à constituer à même nos luttes une contre-hégémonie anticapitaliste large capable de fédérer les classes opprimées en une puissance politique autonome pour défier l’État. Il faut reprendre le contrôle sur nos existences !

T’es tanné·e·s d’êtres précaires ? Tu souhaites t’organiser de manière combative pour en finir avec l’aliénation et l’endettement aux études dans une perspective politique radicalement émancipatrice ? IMPLIQUE-TOI À LA CASSE ! 

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